Mon intérêt pour mon ancêtre Jeanne Chevalier et son histoire a commencé il y a plus de dix ans, mais ce n’est que relativement récemment qu’il s’est muté en une véritable obsession et que celle-ci a envahi ma vie. Au début, ce sont les renseignements contradictoires au sujet du lieu de naissance de Jeanne, trouvés dans un livre et dans Internet, qui avaient éveillés en moi une certaine curiosité. Au début de 2011, alors que j’étais en visite chez ma nièce travaillant alors à Paris, j’ai fait le voyage jusqu’à Coutances, en bas de la péninsule du Cotentin, dans l’ouest de la Normandie, un des lieux possibles de sa naissance. L’archiviste, avec laquelle je m’étais mise en contact par courriel, avait trouvé une mention du nom de Jeanne Chevalier, dans le registre des baptêmes, et avait réussi à déchiffrer la ligne la concernant écrite à la main et quasi-illisible. Ce document m’attendait quand je suis arrivée à l’Office tu tourisme de Coutances. Le registre indiquait que Jeanne avait été baptisée à l’église Saint-Nicolas de Coutances, le 8 juin 1643. Quand j’ai demandé à visiter l’église, la réceptionniste m’a tendu la clé en échange de mon permis de conduire. La clé que je tenais dans ma main était grosse. Je me suis demandé s’il se pouvait que ce soit la clé originale.
Je me suis avancée sur la place, à l’opposée de l’imposante cathédrale gothique de Coutances, et j’ai pris la rue à gauche, jusqu’à l’église Saint-Nicolas. Après plusieurs tentatives, j’ai réussi à déverrouillé l’épaisse porte de bois de l’église du quinzième siècle. Il n’y avait rien à l’intérieur. Elle était entièrement vide, du moins c’est ce que je croyais, à l’époque. Elle ne servait plus au culte, mais était utilisée occasionnellement pour des événements musicaux ou théâtraux. Malgré la désolation qui régnait à l’intérieur, j’ai voulu m’y attarder dans l’attente d’un message de Jeanne ou d’un signe de l’univers pour me confirmer que j’étais sur la bonne piste. Malheureusement, je n’avais plus de temps à ma disposition, en cette journée froidee de février. C’est à ce moment-là que mon obsession à vouloir résoudre cette énigme et raconter l’histoire de Jeanne a pris naissance.
Depuis ce jour, après plusieurs années supplémentaires de recherche dans les centres d’archives et les bibliothèques, après des entrevues en direct, un nouveau voyage de trois semaines en Normandie à l’automne 2013, et cinq semaines passées au Québec à l’été 2014, je suis devenue encore plus obsédée par l’histoire de Jeanne. À titre d’exemple, l’été dernier, alors que je conduisais de Québec au village de l’Ange-Gardien, une force intérieure a guidé ma voiture jusque sur le pont de l’île d’Orléans, la grande île au milieu du fleuve Saint-Laurent. Je me suis arrêtée à l’église du village où je savais que le premier mari de Jeanne avait fait l’acquisition d’une terre. Après avoir écouté mon histoire, la femme de la boutique de l’église m’a dit que je devais absolument visiter la Maison de nos aïeux, plus loin sur la route. N’ayant jamais entendu parler de la Maison de nos aïeux, j’ai décidé de suivre son conseil. Là, douze kilomètres plus loin, dans un vieux presbytère transformé en musée, j’ai appris l’adresse exacte de la terre que le mari de Jeanne avait achetée. Encore plus incroyable, j’ai trouvé un DVD d’un colloque sur les Filles du Roy, que j’avais cherché pendant les neufs derniers mois en France, au Québec et dans Internet.
Plus tard, ce jour-là, quelque chose ou quelqu’un m’a attiré au vignoble situé derrière l’une des maisons attenantes à la terre que Jeanne et son premier mari avaient acquise à l’Ange-Gardien. À l’intérieur, tout en dégustant quelques vins délicieux, j’ai appris que la maison en face du vignoble appartenait à la même famille depuis des siècles. Enhardie par mon petit guide intérieur et peut-être aussi par le vin, j’ai descendu l’allée à pied et j’ai trouvé trois cousins assis sur la galerie de la maison. Dans mon mauvais français, j’ai répété l’histoire de mes recherches sur Jeanne. J’ai alors découvert qu’ils appartenaient à la famille Letarte, la famille qui avait été voisine de Jeanne et de son mari, il y a plus de trois siècles.
En regardant la terre qu’ils possédaient sur la rive nord du Saint-Laurent, j’ai senti la présence de Jeanne. Ce devait être le même point de vue qu’elle avait sous les yeux quand elle vivait, quelque 340 ans plus tôt.
En repensant à cet événement et à d’autres que j’ai vécus au cours de mes recherches, jusqu’à présent, je me demande ce que ces expériences m’apprennent pour mes recherches sur Jeanne et quelles leçons peuvent en être tirées pour le bénéfice d’autres personnes à la recherche de leurs ancêtres. J’ai souvent l’impression que quelqu’un d’autre que moi est responsable de mes recherches et les dirige. Ces expériences synchronisées sont-elles juste le produit du hasard ou de mon imagination ou sont-elles provoquées par quelque chose de plus profond, une sorte de contact avec l’inconscient collectif, comme dirait Carl Jung?