Je continue à écrire la suite de mon livre sur Jeanne – ce dernier aura pour but d’inclure les récits des personnes remarquables que j’ai rencontrées et les expériences extraordinaires que j’ai vécues pendant ma recherche de l’histoire de Jeanne. Cela prend beaucoup plus longtemps à écrire pour plusieurs raisons, dont celle, non des moindres, due aux retards causés par la gestion de tous les détails liés à ma décision de m’installer en France. J’ai dû également retravailler le livre après avoir participé à un atelier d’écriture sur Internet. Une partie de cette reprise comprend l’élimination des chapitres inadaptés à la nouvelle édition du livre.
Une de ces suppressions concerne mon expérience dans les différentes archives où j’ai fait des recherches. Puisque le chapitre fournit des informations qui pourraient être utiles à quiconque poursuivant des recherches sur les histoires familiales, j’ai pensé en offrir ici un résumé.
Ma première rencontre avec les archives françaises s’est déroulée lors de ma visite initiale à Coutances en 2011. Je n’étais pas tout à fait certaine de savoir à quoi ressemblent les archives en France, particulièrement dans une ville française médiévale, comme Coutances. C’est la raison pour laquelle quand on m’a orientée, comme je l’ai pensé, vers le troisième étage du bâtiment situé juste à côté de l’office de tourisme, je n’ai pas été trop surprise par le vieil escalier en bois que j’ai monté, non sans quelque inquiétude et hésitation. Au bout j’ai trouvé deux vieilles portes. J’ai ouvert celle que me semblait la plus prometteuse et j’ai découvert un espace sombre plein de fientes et de plumes de pigeon. Il n’y avait aucune lumière ni personne en vue.
Je suis rapidement revenue sur mes pas et j’ai trouvé l’ascenseur fixé de l’autre côté du bâtiment du dix-neuvième siècle et je me suis dirigé vers le troisième étage. Finalement les archives ressemblaient davantage à l’idée que je m’en faisais : des étagères en bois foncé, remplies de piles de vieux manuscrits qui promettaient de révéler toutes sortes de secrets. Malheureusement je n’ai pas été capable d’avoir une vraie conversation avec l’archiviste qui n’a pas pu comprendre mes questions à cause de mes balbutiements. J’ai en fait appris qu’elle n’avait pas trouvé d’autres informations sur Jeanne, autres que celle de son registre de baptême.
Sur son conseil, j’ai visité les archives départementales centrales de Saint-Lô deux années plus tard. Les archives y étaient complément différentes de celles de Coutances, avec des murs blancs nus, des étagères standard, des tables et des chaises simples, en rapport avec les choix faits durant la reconstruction de cette ville après la seconde guerre mondiale. Pour entrer, une identification était demandée. On ne pouvait pas utiliser de stylos. Au lieu de cela, on nous fournissait des crayons, et on encourageait l’utilisation de smartphones pour faire des copies. En même temps, j’ai tout réellement pu feuilleter les cadastres originaux sans gants ni autres précautions.
Depuis ces expériences, comme j’ai poursuivi mes recherches pour obtenir des informations supplémentaires sur Jeanne, sur ses maris, et sur ses parents, j’ai appris que les archives se présentent sous bien différentes formes et tailles et qu’elles comportent de nombreuses règles différentes. Pour ces raisons, chaque visite a été une expérience singulière, une aventure.
Pour accéder aux archives à Rouen, à Caen, et à Montréal, il faut avoir un passeport, bien que l’on accepte une autre pièce d’identité. A d’autres endroits, comme à Québec, à Château Richer, et à La Pocatière au Québec, au Havre et à Dieppe en France, ainsi qu’aux bibliothèques de Montréal, de Manchester, dans l’état de New Hampshire, et à Woonsocket, dans l’état de Rhodes Island, les feuilles d’inscription suffisent. A Boston, à la Société Historique et Généalogique de Nouvelle Angleterre, c’est mieux d’être adhèrent, mais une autorisation à la journée est disponible. A l’université de Harvard, on doit obtenir une autorisation spéciale pour accéder à son trésor de livres incroyable [Martine : C’est le trésor qui est incroyable, pas les livres !] et cette autorisation n’est valable que pour 3 mois, bien que je doive admettre que je n’ai pas essayé de la renouveler.
Dans certaines archives, il faut porter des gants afin de consulter les vieux documents. Dans d’autres, ce n’est pas le cas. Dans une certaine archive, j’ai dû utiliser des poids de sacs de haricots pour tenir les vieux livres ouverts. Quelquefois le personnel porte des vestes blanches et quelquefois la tenue de tous les jours est de règle. Dans la plupart des archives, on peut utiliser des smart-phones ou des appareils photo, de préférence aux imprimantes, et quelquefois j’ai dû noter les numéros des pages copiées.
L’impressionnisme architectural varie de l’entrée grandiose, lumineuse et aérée des archives de Montréal, avec son entrée bordée de statues géantes, à la splendeur de la Bibliothèque Widener de Harvard, ou encore au vieux fort qui abrite les archives du Havre. Les archives peuvent être trouvées dans des bâtiments anciens ou dans des musées, ou dans des lieux beaucoup plus simples. Un bon nombre d’entre elles sont situées au même endroit que les sièges sociaux de sociétés généalogiques ou historiques, ce qui permet un accès très utile aux bénévoles qui peuvent aider aux recherches.
Les niveaux sonores varient également, d’un silence attendu dans une bibliothèque, au bavardage de tous les jours, qui peut être perturbant si l’on essaie de lire des vieux documents.
L’accès à Internet m’a aussi aidé à retrouver des documents et de l’information, par des échanges de courriels, par exemple, avec certains bénévoles des sociétés généalogiques. L’accès en ligne aux bases de données d’archives en France n’est cependant pas uniforme. On peut accéder à Internet aux archives départementales de la Manche et de la Seine-Maritime en Normandie, mais on ne peut pas le faire à celles du Calvados.
Qu’ils soient en ligne ou non, les registres ne sont pas faciles à lire, écrits à la main en français de l’époque, avec une orthographe incohérente, sur du vieux papier, souvent recto-verso et recouverts de taches d’encre. Il existe également des bases de données de transcriptions, créées par les bénévoles des sociétés généalogiques locales, mais les informations peuvent prêter à confusion. Lorsque je ne peux pas trouver le registre d’un certain événement dans l’une de ces bases de données, je ne sais pas quoi penser. Il est possible que le registre n’existe pas puisque tous les événements n’ont pas été répertoriés, étant donné l’absence possible d’un prêtre. Il est également possible que le registre ait été détruit ou encore que les bénévoles n’aient pas commencé à travailler sur cette période ou sur ce village. Il est même possible que l’événement n’ait jamais eu lieu!
Dans toutes les archives et bibliothèques, sauf à Montréal, à Québec et aux Etats-Unis, bien sûr, on doit avoir une connaissance pratique du français, non seulement pour la lecture des registres, mais particulièrement pour communiquer avec le personnel et les bénévoles. Ils sont, cependant, normalement utiles, accueillants, et tolérants envers les chercheurs anglophones et leur français hésitant.
Parfois, cependant, quand le personnel répondait à mes demandes d’information par des regards vides, je ne savais pas s’ils ne me comprenaient pas ou s’ils étaient, comme on pourrait dire, « bureaucratiques » ou s’ils ignoraient comment me répondre. J’ai fait face à de nombreux défis, mais la persévérance douce a normalement fonctionné.
Ce qui rassemble toutes ces histoires – du moins pour moi – est l’expérience d’une présence réelle dans une bibliothèque ou aux archives. J’ai eu l’opportunité là-bas de trouver des livres dont je ne connaissais pas l’existence, simplement en errant dans les étagères, ou de me réjouir de pouvoir gérer des documents authentiques des 16e ou 17e siècle – généralement avec le port des gants. Ce qui est également remarquable, ce sont les contacts pris avec des personnes qui partagent les mêmes centres d’intérêt que moi. Ces expériences et les salutations amicales du personnel après une année d’absence l’emportent largement sur les frustrations de ne pas pouvoir communiquer facilement or de me heurter aux règles et règlements qui peuvent entraver mes recherches.