Au cours des trois dernières années, à chaque fois que je donnais une présentation de Jeanne Chevalier et de sa famille, j’avais l’habitude de fournir une liste de ses descendants qui sont bien connus aux Etats-Unis, au Québec, et en France : René Lévesque, Céline Dion, et Jack Kerouac. C’est seulement récemment que j’ai commencé à y inclure le nom du Lieutenant Jean-Jacques Lévesque.
Chaque année le 19 août, il y a une commémoration du raid tragique des Alliés à Dieppe qui a eu lieu ce jour-là en 1942. Le raid, connu sous le nom de l’« Opération Jubilée », avait pour but de surprendre les forces allemandes, de détruire rapidement les installations ciblées, de démontrer le pouvoir des Alliés afin de détourner les forces allemandes de l’Union Soviétique, ainsi que de tester le matériel et les plans pour la libération future de l’Europe.
Sur les 5 000 soldats canadiens qui ont participé au raid ce jour-là, 907 ont été tués, 1 154 ont été blessés, et 1 946 ont été faits prisonniers. Parmi les victimes figuraient également des soldats britanniques, belges, français libres et polonais, ainsi qu’un petit nombre de rangers américains. Il est vrai que le raid a été un désastre en termes de vies humaines, mais dans une tentative de porter un regard plus positif sur les évènements, certains historiens pensent que le raid a fourni aux Alliés des leçons et des renseignements très précieux sur l’invasion du Jour-J deux ans plus tard. « Sur chaque vie canadienne perdue ici à Dieppe en 1942 », lit-on sur un monument qui était situé sur la plage de Dieppe, « dix vies ont été sauvées en juin 1944. »
La plupart des morts canadiens sont enterrés au cimetière canadien des Vertus, à 5 kilomètres de Dieppe. C’est un endroit solennel et paisible, à l’écart de la circulation, avec une vue sur les collines au loin. Chaque année, les noms de ces soldats sont lus à voix haute dans le cadre de la commémoration annuelle au cimetière. Lors de mes visites au cimetière, j’avais découvert qu’une des stèles appartenait à Jean-Jacques Lévesque. Au cours de l’appel des noms en août dernier, j’ai choisi de lire la page comportant le nom de Jean-Jacques, pour qui je ressentais un lien, mais ignorant s’il était de nature familiale.

Grâce aux recherches effectuées par Fernand et Marie-Ange Lévesque, recherchistes à l’Association Lévesque, Inc., j’ai la certitude à présent que Jean-Jacques est également un descendant, comme moi, de Jeanne et Robert, de par leur fils aîné François-Robert et de son épouse Marie-Charlotte Aubert.
Ces recherches ont découvert que Jean-Jacques était le fils de Joseph Roméo-Hervé Lévesque et de Marie-Marthe Joron, mariés le 12 mai 1919 en la paroisse Saint-Jacques, Montréal, QC. On n’a pas pu retrouver l’acte de baptême de Jean-Jacques, mais il est permis de croire qu’il serait né vers 1920, vraisemblablement le premier enfant du couple Lévesque – Joron. Il était lieutenant dans le régiment des Fusiliers Mont-Royal basé à Montréal.
Selon un reportage canadien, diffusé 75 ans plus tard, «Pour les 584 soldats des Fusiliers Mont-Royal, principalement des Canadiens français, Dieppe était une sorte de retour au foyer, étant donné les liens du port français avec les colonies de la Nouvelle-France». Leur engagement, qui comprenait la prise planifiée de documents de code et de matériel de cryptage, a témoigné du «rôle déterminant [mais souvent négligé] que les Québécois et les Canadiens français ont joué dans l’armée canadienne et dans l’ensemble des forces canadiennes».
Les projets des Alliés pour le raid n’ont pas fonctionné comme prévu, pour les fusiliers, comme pour les autres soldats. « Au cours des quatre ou cinq heures de la bataille, 119 fusiliers ont été tués et 344 autres ont été faits prisonniers. Seuls 125 sont rentrés en Angleterre cet après-midi-là, dont quatre sont décédés des suites de leurs blessures. » Jean-Jacques, à l’âge de 22 ans, était un de ces fusiliers qui ont perdu la vie ce jour-là.

En plus de la stèle du cimetière des Vertus, le nom du lieutenant Jean-Jacques Lévesque est inscrit sur une plaque commémorative des officiers de Fusiliers Mont-Royal, tombés lors de la Deuxième Guerre mondiale.
Curieusement, Jean-Jacques et moi avons tous deux bouclé la boucle que Jeanne Chevalier avait commencée en juin 1671. Moi, cependant, je ne suis pas sûre de vouloir mourir ici. Ce n’était sûrement pas le souhait de Jean-Jacques non plus!