Pendant des années (des siècles, en fait) la confusion a régné à savoir si les filles du Roy étaient des femmes avec qui se marier ou avec qui « se marrer »! Des renseignements erronés basés sur des commentaires gratuits et sur des préjugés, d’une part, et une possible fierté nationale enjolivant leur défi et leur héritage, d’autre part, ont tous contribué à la confusion. Il semble qu’Yves Landry, un des plus grands spécialistes des Filles du Roy, soit celui qui ait le mieux expliqué le problème quand il a résumé la question en disant qu’il y avait probablement une part de vérité des deux côtés. Les filles du Roy n’étaient pas toutes des anges, en dépit des efforts de quelques historiens canadiens-français et autres pour détruire le mythe que ces mères fondatrices étaient des prostituées. Il existe bien des preuves d’adultères, même de meurtres, et d’autres crimes, mais, en même temps, ce n’était pas des femmes perdues.
Une recension de l’information sur les 770 femmes révèle, en effet, qu’il n’y a eu, parmi elles, qu’un petit nombre de naissances illégitimes, toutes antérieures à leur premier mariage au Canada et même durant tous leurs mariages! Mais, je suis d’accord avec les historiens qui disent qu’ils trouvent difficile à croire que le Roi aurait déployé de si grands efforts financiers pour l’émigration de femmes au passé sordide et possiblement porteuses de maladies. Après tout, son objectif était de coloniser la Nouvelle-France en mariant ces femmes à des soldats, des marchands, des fermiers et même à des hommes de noble naissance. Et puis, il y a toute cette insistance du ministre Colbert et de l’intendant Talon pour que ces femmes soient en santé et prêtes au dur travail de la ferme.
Mais, les légendes ont la vie dure. Est-ce parce que la vérité est plus complexe ou moins émoustillante? Ou peut-être y avait-il quelque regards misogynes sur ces femmes indépendantes qui pouvaient se marier, en Nouvelle-France, sans le consentement de leur père? Lors d’une reconstitution de l’arrivée du deuxième groupe de Filles du Roy, à Québec, en août 2014, à laquelle j’ai assistée, j’ai entendu un Belge faire une blague au sujet de la réputation sulfureuse de ces femmes (naturellement, je l’ai rapidement corrigé!). Cette remarque m’a cependant rappelé l’allusion faite par l’archiviste de Coutances, à l’automne 2013, à la mauvaise réputation