Jean-Baptiste-François Deschamps de la Bouteillerie a été enterré le 16 décembre 1703, sous le banc seigneurial, dans l’église de Rivière-Ouelle. Selon des fouilles archéologiques récentes, la pierre tombale aujourd’hui posée en son honneur, dans le cimetière actuel, le serait sur ou près de l’emplacement de ce banc particulier. En tous cas, elle est à proximité de la stèle qui marque l’emplacement de la l’ancienne église. Le monument funéraire de Deschamps est postérieur à sa mort. Une pierre tombale remplace la croix de bois qui avait été plantée, en août 1896, par « ses descendants, F. D. Monk, écuyer (député) et Jean de Boishébert ». Je n’ai pas encore été capable de trouver un quelconque registre concernant des plaques funéraires antérieures à 1896 ou la date de la pose de la stèle actuelle.
On dit que sa mort a endeuillé toute la seigneurie, un témoignage évident de son engagement dans la communauté. Comme un de seulement deux douzaines de nobles français établis en Nouvelle-France, au XVIIe siècle, il a pu afficher la prestance d’un noble à son arrivée pour n’en conserver que quelques vestiges par la suite. Après tout, il avait un banc seigneurial à l’église, percevait les cens et les loyers qui lui étaient dus et était honoré, chaque année, par la pose d’un mai devant son manoir. En outre, il présentait, annuellement, ses respects au représentant du Roi, à Québec. Cependant, contrairement aux autres nobles, en Nouvelle-France, à cette époque, dont plusieurs ont abandonné leurs concessions de terre et sont restés dans leur résidence de Québec, Jean-Baptiste a choisi de vivre aux côtés de ses censitaires.
Sa famille
Rivière-Ouelle a été sa demeure pendant plus de 30 ans, et il y a établi une communauté d’amis, de fermiers et de parents de feue sa première épouse. Depuis sa mort, en effet, ses fils ont vécu soit en Nouvelle-France, soit en France, où ses frères et sœurs habitaient toujours. Durant sa vie, Jean-Baptiste a vu le plus vieux de ses fils, Charles-Joseph, accéder à la prêtrise et il suivi la carrière de ses deux autres fils dans l’armée.
Il n’a pas vécu assez longtemps pour apprendre la mort de son deuxième fils en France, en 1706, ou pour assister au mariage de son plus jeune. Henri-Louis a en effet épousé Louise-Geneviève de Ramezay, la fille du gouverneur de Montréal, en 1721, 18 ans après la mort de son père. Les de Ramezay pouvaient faire remonter leurs racines en France jusqu’ en 1532 et c’était une famille plutôt en vue, au début de la colonie.
Henri-Louis qui, un jour a décidé d’accoler à son nom celui de sa famille française, de Boishébert, et Louise ont eu deux fils, dont un est décédé moins d’un an après sa naissance, et au moins trois filles. Leur quatrième enfant, Charles Deschamps de Boishébert, est né le 7 février 1727 et il a embrassé la carrière militaire, à l’âge de 15 ans, comme plusieurs fils de nobles.
Charles, le seul petit-fils survivant de Jean-Baptiste-François Deschamps, s’est distingué dans plusieurs campagnes en Nouvelle-France contre les Iroquois et les Anglais. Après la chute de la colonie aux mains de l’Angleterre, il est déménagé en France, en 1760, où il a d’abord épousé sa très lointaine cousine et ensuite passé 18 mois à la Bastille, en raison de son implication dans les scandales de l’intendant Bigot, en Nouvelle-France.
Après son acquittement, il a fait l’acquisition d’un domaine à Raffetot, non loin de la demeure ancestrale de sa famille à Cliponville, dont il est devenu maire pendant une courte période de temps. Il est décédé à cet endroit le 9 janvier 1797. Une stèle à sa mémoire s’élève en face de l’hôtel de ville, à côté de l’église.
Ses cousins ont eu un fils, né le 18 juin 1762. Celui-ci s’est marié et a eu deux enfants, une fille et un fils qui est mort sans enfants.
C’est ainsi que, contrairement à Jeanne et à Robert, qui ont laissé des milliers de descendants, dans une lignée masculine s’étendant sur onze générations, la lignée masculine de Jean-Baptiste s’est éteinte après seulement quatre générations. De ses petites-filles au Canada, l’une a pris le chemin du couvent, les deux autres sont entrées, par le mariage, dans les éminentes familles Lanaudière et Saint-Ours. Les membres de la famille, qui portent le nom de Deschamps de Boishébert, vivent en France et sont les descendants du frère de Jean-Baptiste, Adrien.
À propos de Rivière-Ouelle
Et qu’est-il advenu de la seigneurie que Deschamps avait mis tant d’efforts à développer? En 1706, Charles-Joseph, pris par ses obligations comme prêtre à Québec, a renoncé à ses droits à l’héritage de la seigneurie pour la somme de 4 000 livres. Son frère, Jean-Baptiste, qui avait émigré en France, a aussi renoncé à ses droits en même temps, et est mort peu de temps après, sans se marier ni laisser de descendance.
Leur frère, Henri-Louis, qui avait aussi gravi les échelons dans l’armée, d’aide-major à Québec, à capitaine dans la marine, puis de commandant à Détroit et en Acadie, a hérité du domaine. Henri-Louis n’a pas joué un très grand rôle à Rivière-Ouelle, autre que de percevoir les redevances, après la mort de son père, jusqu’en 1719. Cette année-là, il a fait circuler une pétition pour obtenir le droit d’établir une pêcherie le long du fleuve Saint-Laurent. Dans sa déposition pour appuyer sa pétition, il a fait valoir que son père avait dépensé 50 000 livres de ses fonds personnels dans son domaine mais que celui-ci ne lui rapportait que 300 livres en revenus annuellement. L’affaire s’est réglée par un compromis entre de Boishébert et les autres habitants concernés de Rivière-Ouelle.
Même si Rivière-Ouelle n’a pas continué à se développer comme elle l’avait fait sous la gouverne de son père, parce que Henri-Louis n’a concédé qu’un nombre limité de nouvelles terres, il a tout de même remplacé le manoir seigneurial et finalement construit le moulin, tel qu’exigé de la part des seigneurs. Il a également dressé l’inventaire requis du domaine, fait la liste des habitants, de leurs avoirs et de leurs engagements financiers. Il consacrait, cependant, la majeure partie de son temps à sa carrière militaire qui, apparemment, lui rapportait significativement plus que les revenus qu’il tirait de son domaine.
Quand Henri-Louis est mort en 1763 à l’âge de 57 ans, sa veuve a hérité de la moitié du domaine et est devenue la « tutrice des enfants mineurs », pour l’autre moitié de la propriété, étant donné qu’ils étaient tous en-dessous de l’âge de la majorité. Louise de Ramezay a réussi à mettre la main sur une grande portion de terre qu’elle a annexée à la seigneurie de Rivière-Ouelle en 1750, mais elle a décidé de vendre la seigneurie quinze ans plus tard. À sa mort, en 1769, elle n’était toujours pas vendue. Finalement, neuf ans après sa mise en vente, le domaine a été cédé pour la somme de 36 000 livres par son fils Charles qui, d’après une source d’information, n’y a jamais mis les pieds. Il a argué que le domaine ne rapportait rien, ce qui explique peut-être pourquoi cela a pris autant de temps pour le vendre.